Cahier Nr 8 | ||
Colloque " Félicien Rops au château de Thozée " 23 Août 1998 | ||
La Société Internationale des Aquafortistes |
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Catherine Méneux |
Félicien Rops fonde la Société internationale des Aquafortistes à Bruxelles le 4 décembre 1869. Jusquaux années 1874-1875, date de son installation à Paris, cest de Thozée quil mènera à bien ce projet. Sa presse et son matériel de graveur étaient en effet dans le château. Il donna de nombreuses leçons de gravure et se livra à dintenses recherches sur les techniques.
Lhistoire de cette société ne se résume pas à celle de Rops et elle a réunit de nombreux artistes ; néanmoins, comme Camille Lemonnier la écrit, Rops a été " lâme de cette société ". En 1869, il est en effet le seul en Belgique à vouloir réhabiliter leau-forte, un art qui privilégie linspiration et la liberté de lartiste. Voyageur infatigable et curieux, il a établi de nombreux liens avec des aquafortistes étrangers. Convaincu que la Belgique est un carrefour en Europe, il va sattacher à donner une dimension internationale au nouveau groupe.
La Société internationale des aquafortistes fait partie des nombreux projets qui ont animé la vie de Félicien Rops. Par sa durée et ses résultats, on peut penser quelle fut lun des plus abouties.
Lhistoire de cette Société comprend deux grands épisodes. Le premier, de 1869 à 1874, est une période de préparation et de gestation pendant laquelle la société ne publie rien. Rops ne sest pas encore installé à Paris. Il croit fermement à son projet et forme une pléiade daquafortistes. Grâce à lui, Bruxelles connaît un véritable renouveau de leau-forte.
En 1874, un nouveau comité est élu et semploie à réaliser les deux objectifs de la société : la publication dun album mensuel et lorganisation dexpositions. Rops ne réside alors en Belgique que de manière épisodique. Occupé par mille projets, il se désintéresse progressivement de son uvre. Nous verrons pourquoi. Cest presque malgré lui quil continue néanmoins à jouer un rôle prédominant. Les publications deaux-fortes sortent enfin à partir de 1875 et une exposition aura lieu lannée suivante.
Je mattacherai donc à montrer que cette société fut la grande ambition de Rops et que leau-forte belge lui doit son renouveau. Néanmoins au moment où la société réalise enfin ses objectifs, Rops est un homme occupé à dautres projets et le mouvement quil a créé le dépasse progressivement.
I - Une grande ambition :
La genèse du projet :
Créer une société daquafortistes fut la grande ambition de Rops. Un certain nombre dévénements expliquent la genèse de ce projet et ses motivations. Avant tout dessinateur, on va voir quil évolue progressivement vers la défense de leau-forte de peintre. En second lieu, malgré son individualiste, il comprend que lassociation dartistes est le seul moyen de diffuser un art quil maîtrise et qui nexiste pas dans son pays.
Leau-forte de peintre :
Le renouveau de leau-forte en Europe est né avec la création à Paris dune première société daquafortistes en 1862. A cette époque, la gravure en Belgique survit à travers une petite école de burinistes et leau-forte est un art quelque peu oublié. Il revient à Rops dêtre entré en contact avec le mouvement parisien et davoir fait sienne sa cause. Il lui revient également davoir compris sa portée intellectuelle. Car, en fait, que signifie la lutte pour la réhabilitation de leau-forte ? A travers elle, les artistes revendiquaient le droit à un art libre, dégagé des dictats académiques. Dans une société qui sindustrialisait de jours en jours, ils défendaient le statut de lartiste, le statut de celui qui maîtrise un métier et crée des uvres originales.
Ces idées sont pourtant bien étrangères à Rops au début des années 1860. Après des débuts de lithographe, il est attiré par le métier dillustrateur pour sa rentabilité et sa large diffusion.
On peut donc se demander ce qui va progressivement le faire évoluer vers la défense de leau-forte de peintres.
Dans cette transformation, larrivée de léditeur Auguste Poulet-Malassis et de Baudelaire à Bruxelles joue un rôle primordial. Grâce à Poulet-Malassis, il rencontre en 1864 Félix Bracquemond et de nombreux graveurs expérimentés à Paris. Rops, le dessinateur devient un aquafortiste compétent et lillustrateur attitré des ouvrages édités par Poulet-Malassis ; il prend goût aux expérimentations les plus diverses.
Il cotoie également Baudelaire dont lunivers le marque profondément. Lécrivain lui transmet sans doute ses conceptions en matière deaux-fortes, un art quil a comparé à lécriture et défendu dans quelques articles.
Cest donc avec une liberté nouvelle quil exerce ce métier et exprime progressivement une iconographie qui lui sera propre.
Ces nouvelles relations lamenent à découvrir les activités de la Société des Aquafortistes de Paris. Il en est membre en 1865. Il nest pas le seul Belge puisque lon compte également Eugène Smits, Clays, un des frères Stevens, Verwée et dautres. La société française est alors une expérience unique ; elle est née de lassociation dun éditeur, Alfred Cadart, dun imprimeur, Auguste Delâtre et dun groupe dartistes soucieux de diffuser leurs eaux-fortes. Elle recueille de nombreuses adhésions étrangères. Son activité consiste à publier 5 eaux-fortes par mois. Elle édite des artistes aussi célèbres et talentueux que Manet, Jongkind, Courbet, Corot, Whistler ou Méryon. Beaucoup sinitient à leau-forte sous son impulsion.
On peut imaginer alors lenthousiasme de Rops devant une telle entreprise. Leau-forte est non seulement reconnue à Paris mais liée aux milieux davant-garde.
Ses rapports à la gravure évoluent donc à cette époque : il ne veut plus seulement être illustrateur, mais devenir un ardent défenseur de leau-forte de peintres.
Limportance du groupe :
Tout ceci nexplique cependant pas comment un artiste aussi individualiste que Rops est amené à fonder une société. En fait, cest justement parce quil veut être libre quil sinvestira dans de nombreuses initiatives privées. Ainsi, en 1856, il a créé la revue authentiquement belge lUylenspiegel , qui permettait à des artistes et des écrivains de sexprimer. A une époque où le système des Salons se révèle insuffisant pour représenter la diversité des uvres et des sensibilités, les groupes dartistes se multiplient et permettent de diffuser des arts non soutenus par létat ou considérés comme mineurs. La Société des Aquafortistes à Paris en est lun des exemples. En 1874, ceux que lont nappellent pas encore les impressionnistes sorganiseront également en société pour vendre leurs uvres.
A Bruxelles, Rops et ses amis peintres luttent pour la reconnaissance dune peinture réaliste, libérée des poncifs classique et romantique. En 1868, ils fondent la Société Libre des Beaux-Arts. Cest dans ces mêmes années, quune équipe daquafortistes proches du nouveau groupe se forme pour illustrer le livre de Charles de Coster La Légende dUylenspiegel. A part Rops, Degroux ou Smits, bien peu savent manier la pointe. Des peintres tels que Van Camp, Artan, Boulenger ou Clays sinitient donc à leau-forte à cette époque. Rops joue un véritable rôle de professeur pour tous les débutants et devient un chef de file.
Fort de ce succès, il commence alors à rêver de réunir tous ces aquafortistes potentiels dans une société. Il veut promouvoir un art moderne et original, différent celui des graveurs anversois ou soutenu par les milieux officiels. Du métier rentable rêvé de ses débuts, la gravure lui fournit désormais une cause et une bataille à mener dans son pays. Individualiste, il veut également créer en Belgique les structures qui lui permettront dexercer son art.
La création de la Société internationale des Aquafortistes
Fonder une société daquafortistes à Bruxelles est donc devenu la grande ambition de Rops à cette époque. Dès sa création, il se heurte à dimmenses difficultés. Il sinvestit pourtant corps et âme dans ce nouveau projet.
Tout est en effet à faire. Lors de sa création, la société des aquafortistes de Paris sest appuyée sur un éditeur déjà établi et un imprimeur réputé comme le plus compétent dEurope ; elle a réuni une pléiade de graveurs talentueux et avait lappui de critiques comme Baudelaire ou Burty. Rien de tout cela nexiste en Belgique en 1869. Tout est à mettre en place.
Pour créer sa société, Rops a réuni ses amis les plus motivés de la Société Libre des Beaux-Arts. Il a également fait appel à Théodore Hippert, un juriste passionné deaux-fortes. Sans imprimeur, la société ne peut pas exister. Rops réussit à débaucher François Nys, imprimeur chez le grand Auguste Delâtre puis chez Cadart à Paris et Belge dorigine. Il prend contact avec la maison Félix Mommen qui vend des fournitures pour artistes à Bruxelles. Cette dernière pouvait apporter à la future société un local et une vitrine pour vendre ses publications. Il semble quune association entre Mommen et Nys soit alors tentée à cette époque , mais sans succès. Il semble également que Rops sinvestisse financièrement de façon importante. Il aurait en effet financé à ses frais une partie du matériel et le salaire de Nys pendant trois ans.
Léquipe ne se décourage pas pour autant et décide de fonder une simple société dartistes sans le soutien dun marchand. Le 4 décembre 1869, les statuts officiels de la Société internationale des Aquafortistes sont rédigés et imprimés. Rops assume la direction, Hippert, le secrétariat et Van Camp est le Trésorier. Les autres membres fondateurs sont Louis Artan, Eugène Smits, le baron Jules Goethals, Guillaume Vanderhecht et les barons de Beeckman et de Snoy. Pour donner du crédit à une association dont le financement est privé, ils obtiennent lappui de la Comtesse de Flandre qui accepte la présidence dhonneur.
Avec comme but premier de " répandre et de développer le goût de la gravure à leau-forte ", la société sest fixée deux objectifs : une publication mensuelle comprenant 8 eaux-fortes et lorganisation dexpositions.
Ces objectifs apparaissent tout de suite comme extrêmement ambitieux. A part Rops et Eugène Smits, il nexiste en effet pas daquafortistes confirmés ni réellement motivés dans léquipe. Mettre en place la distribution et lorganisation commerciale de la société est un travail énorme quil aurait fallu confier à un marchand. Alors que la société parisienne, forte de 52 membres, navait publié que 5 eaux-fortes par mois, Rops et ses amis veulent en publier 8. Pour y parvenir, ils comptent bien sûr sur les adhésions étrangères. Mais elles se révéleront plus difficiles que prévu à obtenir.
Toujours est-il que le premier numéro devait sortir le 15 janvier 1870 et quil faudra attendre 5 ans avant que les premiers portfolios de la société soient publiés en 1875.
Le rôle de Rops dans le renouveau de leau-forte en Belgique
De projet, la grande ambition de Rops est devenue réalité. Comme nous lavons montré, la tache se révèle immense dès le départ. Malgré un certain nombre dévénements qui vont jouer en sa défaveur, Rops croit fermement à son projet. A défaut de réaliser les objectifs de publications et dexposition, il va donc sattacher à former des aquafortistes en Belgique. Avec le concours de limprimeur François Nys, il va créer ex nihilo les structures nécessaires à un renouveau de leau-forte dans son pays.
Il travaille dabord corps et âme à donner des leçons de gravure et à réaliser de nouvelles planches. Léquipe quil a réunie reste peu motivée et il doit accepter de consacrer un temps considérable à la société. Les impératifs financiers, les événements historiques et dautres intérêts léloignent cependant assez vite de sa grande uvre. La guerre franco-prussienne en 1870 puis la Commune de Paris en 1871 empêchent tout dabord les adhésions étrangères. Rops, qui a assisté au siège de Sédan pert un temps de vue ses cuivres pour se consacrer à un album de lithographie sur la guerre. En 1872, ce sont les expositions de la jeune Société Libre des Beaux-Arts qui rappellent les peintres à leurs palettes et les éloignent de leurs cuivres.
Cest dans les années 1872-1873 que leau-forte commence à connaître une certaine vogue. Rops, malgré ses voyages croissants en dehors de Belgique, continue ses cours de gravure. Il en reste les fameuses Pédagogiques, étranges planches à plusieurs mains et multiples états, témoignages des exercices et des progrès des élèves. Quant à limprimerie de Nys, elle devient progressivement un rendez-vous incontournable pour tous les aquafortistes amateurs. Ils peuvent désormais bénéficier des conseils dun imprimeur compétent et faire tirer leurs planches à Bruxelles. Outre les membres de la Société, de nombreux artistes sinitient à leau-forte sous les conseils de Rops. On peut ainsi citer Charles de Gravesande, Alfred Verwée ou Théodore Tscharner. Hippolyte Boulenger approfondit également cet art et laisse de très belles planches.
Après tous ces efforts, la société acquiert petit à petit le soutien de la presse. Depuis 1870, le Journal des Beaux-Arts et de la Littérature dirigé par Adolphe Siret publie un album annuel deaux-fortes. En 1873, Camille Lemonnier crée la revue LArt universel et prend également linitiative dun cahier annuel deaux-fortes.
Trois ans après la création de la société, Rops a donc réussi à intéresser les milieux bruxellois à leau-forte de peintre. Avec limprimeur Nys, il a formé un groupe dartistes à la technique difficile de la gravure. La critique dart, Camille Lemonnier en tête, commence à comprendre la portée intellectuelle du mouvement et sest initiée à lanalyse de luvre gravée. Ces efforts établieront des bases sur lesquelles les générations suivantes sappuieront. En ce sens, Rops a réussi son projet.
II Le temps des réalisations
Lannée 1874 est un tournant dans lhistoire de la société. Avec elle, va venir le temps des réalisations. Depuis quelques années, Rops se désintéresse pourtant progressivement de son vieux rêve. Il a cependant lancé un mouvement que tous veulent désormais voir aboutir. Un nouveau comité dorganisation est donc élu en 1874. Dans les années suivantes, la société réalise enfin ses objectifs de publications et dexposition.
Léloignement progressif de Rops
Ces années 1873-1874 sont également un tournant dans la vie de Rops. Ses projets et son cur sont de plus en plus sollicités par Paris. En 1874 il se sépare de sa femme et perd ainsi une partie de ses attaches en Belgique. Cest à ce moment quil sinstalle à Paris. Renouant avec ses anciens amours, il reste hanté par le désir de créer une revue alliant texte et croquis. Sil a beaucoup partagé son expérience, il se consacre de plus en plus à des recherches personnelles se livrant à une véritable cuisine technique. Ce quil veut, cest conserver la spontanéité du dessin et graver de plus en plus vite en supprimant les longues étapes qui séparent lécriture du tirage. Cette quête lamènera à préférer les pointes sèches, à se servir de lhéliogravure et à se livrer à de longues recherches sur les vernis. Ses préoccupations léloignent donc de la belle bataille pour leau-forte originale et donc de la Société quil avait fondée.
La Renaissance de la société en 1874
En 1874, la société aborde pourtant une nouvelle phase de son histoire. Est-ce Rops qui en prend linitiative ou un cercle désormais cohérent qui sintéresse à leau-forte ? Nous ne saurions le dire. Toujours est-il quen février, un nouveau comité dorganisation est élu et que les premiers statuts sont remaniés. Le nouveau groupe est beaucoup plus important que celui de 1869 et reflète les nouvelles adhésions. Rops a abandonné la présidence au profit de Savile Lumley, ambassadeur de Grande-Bretagne en Belgique et graveur amateur. Il est désormais directeur des Publications. Jules Goethals, simple membre en 1869 est devenu secrétaire. Lancien trésorier Camille Van Camp est secrétaire-adjoint et Edmond Lambrichs a la charge de Trésorier. Le reste du comité se compose de grands noms de laristocratie belge et de la vie artistique bruxelloise ainsi que de quelques artistes.
Les lettres que Rops envoient à ce moment à ses amis Armand Gouzien ou Edmond Lambrichs révèlent un homme plus préoccupé de son projet de revue La Vie moderne et de ses problèmes dargent que de la réussite de sa Société. Amoureux avant tout de littérature et dessin, il voulait en effet joindre aux publications une brochure intitulée Les Feuilles Volantes réunissant lettres et croquis. Ce beau rêve viendra malheureusement rejoindre la liste de ses projets non aboutis.
Rops travaille pourtant pour la Société. A Paris, il se démène probablement pour recueillir les adhésions daquafortistes étrangers. Il a également la charge de les contacter en vue dune exposition internationale deaux-fortes qui aurait lieu à Bruxelles. Des difficultés empêchent cependant ce projet daboutir. A Bruxelles, trois de ses amis, François Taelemans, Théo Hannon et Maurice Bonvoisin sinitient à leau-forte et deviennent dardents partisans de la Société. De Paris et dailleurs, Rops compte désormais sur ces derniers et sur le fidèle Lambrichs pour régler ses affaires et le représenter à Bruxelles.
Lannée 1874 sachève donc sans que la moindre publication ne vienne couronner les efforts de la nouvelle équipe. La presse belge et le monde artistique annonce cependant la sortie imminente des eaux-fortes. Et la première livraison de la société sera publiée en Mars 1875.
Les réalisations de la Société
Elle va donc publier 12 portfolios et organiser la première exposition universelle deaux-fortes que connaîtra la Belgique. Je voudrais dabord préciser une chose : contrairement à ce quont cru beaucoup dauteurs, ces eaux-fortes ne sont pas toutes publiées en 1875 comme la date inscrite sur les portfolios le laisserait penser. En fait, la société va accumuler des retards croissants et le numéro de Décembre 1875 ne sera livré quà la fin de lannée 1876.
Rops avait créé sa société dans un but de fédération internationale. Cette ambition sintègre dans lhistoire des mouvements davant-garde belges. En effet, les milieux officiels de lépoque encourage un art national authentiquement flamand, libéré de toute influence étrangère. En affirmant une dimension internationale, Rops revendiquait les nouvelles recherches de la scène artistique européenne et plus précisément celles du vaste courant réaliste. Il avait également établi de nombreux liens avec des aquafortistes étrangers et il voulait réunir leurs planches dans sa publication.
Alors, quen est-il vraiment ? la société fut-elle une réelle fédération internationale ?
Il savère quelle réunit essentiellement des artistes belges, français et hollandais. Outre Rops, parmi les meilleurs aquafortistes belges, citons Jules Goethals, Théo Hannon, Emile Puttaert, Eugène Smits et Adrien de Witte. Les Français forment le groupe étranger le plus important avec, entre autre, les planches de Félix Bracquemond, Marcellin Desboutin et Alfred Taiée.
Il faut bien le constater : la Société fut loin de réunir les aquafortistes les plus talentueux dEurope et beaucoup de planches furent réalisées par des amateurs. Il nen demeure pas moins que la Société réussit tout de même à publier près de 100 planches, ce qui nétait pas gagné quand lon connaît ses débuts difficiles.
Quant à Rops, il apporte une contribution décisive avec 11 planches. Les 2 premières sont publiées sous des pseudonymes pour simuler des adhésions étrangères fictives qui ne firent pas illusion longtemps. Parmi ses bonnes planches, on peut citer Pallas et Parisine qui restent exemplaires de ses recherches techniques et de son iconographie propre.
A ce propos, il faut insister sur les thèmes abordés par les artistes de la Société. Comme pour la Société des Aquafortistes de Paris, dix ans plus tôt, ils se consacrent essentiellement au paysage. Le renouveau de leau-forte est en effet étroitement lié au développement du paysage daprès nature et à la liberté revendiquée par les réalistes. Cest sans doute pour cette raison que Rops ne publie que des planches assez sages et loin de laudace dune eau-forte comme La mort qui danse, de la même époque.
Outre laspect esthétique, lintérêt de ces publications réside dans les débats quelles suscitèrent dans la presse belge. Si on résume, on peut dire que le Journal des Beaux-Arts et de la Littérature dAdolphe Siret a eu un discours de plus en plus critique et conservateur sur la Société. En revanche, LArt universel de Camille Lemonnier en fut le fidèle défenseur malgré les retards et linégale qualité des planches publiées. En fait, la presse lui reprochera surtout de ne pas rassembler tous les aquafortistes belges, en particulier les Anversois.
Pour terminer cette partie sur les réalisations de la Société, il me reste à évoquer lexposition universelle deaux-fortes organisée à Bruxelles en septembre 1876. Elle réunit des envois dartistes belges et étrangers dun meilleur niveau que celui des publications. Les maisons Veuve Cadart de Paris et Van Gogh de Bruxelles envoyèrent également de très bonnes planches. Lexposition montrait près de 500 uvres et on peut dire que le meilleur des différentes écoles européennes était alors à Bruxelles. De ce point de vue, la Société réussit et créa lévénement. Mais elle ne gagna pas lenthousiasme du public. Lexposition savéra être un désastre et elle précipita la fin de la Société.
Découragés et face à des difficultés financières importantes, les membres de la Société vont progressivement se désintéresser de leau-forte. La fin de cette aventure devient définitive quand limprimeur François Nys revient à Paris en 1877. A cette époque, Rops est plus jamais fixé à Paris et éloigné du beau rêve quil eut en 1869.
Conclusion
Ainsi sachève cette brève évocation de la Société internationale des Aquafortistes. Il reste encore de nombreuses recherches à faire sur ce sujet et elles devraient confirmer limportance de ce mouvement dans la vie artistique belge de cette période.
Comme la écrit Lemonnier, Rops fut véritablement lâme de la société. Cest lui qui permit aux artistes de prendre goût à leau-forte de peintres. Cest encore lui qui établit les structures nécessaires pour pratiquer la gravure, qui fit naître des collectionneurs en Belgique. Les générations suivantes sauront sen souvenir. Adrien de Witte en est un bon exemple. Il se forma dans limprimerie de Nys et devint le professeur de lécole de Liège qui comptera des artistes comme François Maréchal ou Armand Rassenfosse.
Rops avait également une vision cosmopolite de lart et il joua un véritable rôle dintermédiaire entre Bruxelles et létranger. Lexposition universelle deaux-fortes montra que la société avait une réelle dimension internationale.
Le public ne fut malheureusement pas touché par ces efforts. Les délais non respectés des livraisons, linégale qualité des planches publiées et la présentation confuse de lexposition en sont en grande partie responsables. Quant à Rops, à partir de 1874, il sintéressa surtout à des projets de revue alliant lécriture et le dessin.
Malgré cela, cette Société a une place importante dans lhistoire de lart belge. Et on peut penser que cest le groupe des XX qui sera le digne et célèbre continuateur des ambitions de Rops. Faisant une large place à lestampe, il réalisera son rêve en faisant de Bruxelles un centre international incontournable.