Cahier Nr 3 | ||
Le château de Thozée enfin classé ! | ||
Par un arrêté ministériel daté du 22 juillet 1996, la Région wallonne, a classé comme monument les façades et toitures du château et de sa tour-porche, ainsi que le décor intérieur des pièces du rez-de-chaussée : le couloir, le salon central, le salon de musique, la chambre bleue, la salle à manger et le salon vert.
Les bâtiments de la ferme ont été classés comme ensemble architectural.
Lensemble formé par le château, la ferme, la cour intérieure et les terrains environnants comprenant les trois drèves, le parc avec jardin à langlaise, le verger, les pâtures et les bois a été classé comme site.
Cette Lettre dinformation reprend une partie du dossier de demande de classement que nous avions fait parvenir à la Division du Patrimoine du Ministère de la Région wallonne. Il a été rédigé avec la collaboration de Bernadette Bonnier, Véronique Leblanc, André Verlaine, Jacques Bouton, Brigitte Libois et Daniel Lelubre.
Histoire du nom " Thozée "
Au XIIe siècle, on trouve mention dune villa Toscias qui reprend vraisemblablement le nom dune ancienne villa romaine.
Au XIVe siècle, il est fait mention de Toséee, Tosée (1315), Thozées (1330), Thosée (1332),
Au XVe siècle, la graphie de Thozée apparaît (l8 juin 1472, Archives des Henry de Faveaux).
Comme la ville voisine de Fosses, Thozée a longtemps fait partie de la Principauté de Liège. Avec la commune de Mettet et le village de Scry, elle constituait une seule entité sous le nom de Communauté de Mettet-Thozée et Scry. Celle-ci était partagée en deux seigneuries : celle de Mettet-Thozée et celle de Scry.
Jusquà la fin de lancien Régime, la seigneurie de Mettet-Thozée fut presquen permanence placée sous lautorité des Princes-évêques de Liège. Elle était le siège dune haute Cour échevinale de justice.
Larchitecture du château de Thozée
Les bâtiments actuels sont relativement récents. La construction, entamée en l708, transformait danciennes fondations remontant au XVe siècle. On ne connaît pas la physionomie des bâtiments avant le XVIIIe siècle.
Dans Le Patrimoine monumental de la Belgique, (Liège, 1975, volume 5, tome 1, p. 438), nous en trouvons la description suivante :
" Construction néo-classique en briques et pierres bleues sur soubassement de moellons, dont le plan en U reprend sans doute une disposition ancienne comme le suggère à la face arrière de laile sud une porte datée de 1703 (Erreur! La date exacte est 1708) sur le linteau droit. Toitures dardoises. Disposée autour dune cour irrégulière, ferme en moellons de grès et de calcaire autrefois chaulée, composée détables au nord du logis et dune grange en long au sud. A gauche de lhabitation, étables transformées, qui remontent sans doute au XVIIIe siècle.. Accès à louest, par un porche en
Le style actuel du château de Thozée se rapproche de celui des gentilhommières françaises, avec ses bâtiments de ferme accolés au corps de logis.
Dans Le Patrimoine monumental de la Belgique, (Liège, 1975, volume 5, tome 1, p. 438), nous en trouvons la description suivante :
"Construction néo-classique en briques et pierres
bleues sur soubassement de moellons, dont le plan en U reprend
sans doute une disposition ancienne comme le suggère à la face
arrière de laile sud une porte datée de 1703 sur le
linteau droit. Toitures dardoises. Disposée autour
dune cour irrégulière, ferme en moellons de grès et de
calcaire autrefois chaulée, composée détables au nord du
logis et dune grange en long au sud. A gauche de lhabitation,
étables transformées, qui remontent sans doute au XVIIIe
siècle.. Accès à louest, par un porche en briques et
pierre bleue aux armes des Faveaux ".
Eléments classés comme site
Le site du château de Thozée (19 hectares) est remarquable à plus dun titre. Dabord, parce quil fut intimement lié à la vie, à loeuvre et à la pensée de Félicien Rops. Pendant les vingt années où il séjourna à Thozée, avant son exil à Paris et lors de ses nombreux retours pour raisons familiales, cest tout autant la nature qui lentoure que le château lui-même qui marqua la vie du peintre.
" Alors que la vie mondaine le fascine et que Paris lenvoûte, la nature soffre comme un refuge où la douleur de la vie sociale sestompe dans la contemplation de ce qui fut de toute éternité. (...) Le paysage occuperait pour Rops une place particulière qui ne se définirait pas dans une opposition avec son oeuvre critique érotique ou satanique mais dans une relation de complémentarité sous le couvert dun même désir de modernité. A la critique de linstant répond la jouissance de léternel dans la durée. "
(Michel Draguet, Rops et la modernité,
Editions IPS et la Communauté française, 1991)
Lieux et moments privilégiés pour Rops sans doute que ces contacts avec la nature, mais ils ne sont pas pour autant isolés de la société de lépoque. Avec beaucoup de clairvoyance et dans son style très caustique, Rops y découvre et y dénonce là aussi, les moeurs de son temps. " Aujourdhui les grands bois " sourds " dont nous avions le respect et qui mavaient vu grandir, qui me donnaient de grandes poignées de branches aux vacances, sont envahis et déshonorés par les chasseurs du dimanche de la rue de la Madeleine, chasseurs en jaquette vert-pomme et en gants de Suède. Pas un ne sonnerait " le bien aller ", mais en revanche ils manqueraient un lièvre au déboulé. Les sangliers solitaires, bêtes de compagnie ou marcassins honteux dêtre chassés par ces gens sans mollets et troublés par les chansons dOffenbach et les bouchons de champagne, se sont retirés la rougeur à la hure dédaignant des ennemis où il ny a pas de place pour un brave coup de boutoir. (...)
Aussi lorsquils (les braconniers) ont vu venir après ladjudication des chasses décidée par les communes ces fils de bourgeois, dédaigneux, le monocle à loeil, parlant gras, marivaudant avec les filles, semparer des forêts dArdenne, de la Sambre à la Semois, quelle belle levée de sabots dans les paroisses! (...)
Braconnier ne puis.
Chassaillon ne daigne.
Peintre je suis ?
Et voilà comment je me suis fait paysagiste. "
(Extrait dune lettre de Rops à Octave Pirmez, 1864)
Le site du château de Thozée est indissociablement lié au château et à la ferme : cest dans un lieu étroit entre le château et la ferme que sest construite lorganisation du parc et des jardins potagers et dagréments. Lentrée du château, cest lentrée de la ferme. On y accède par trois belles drèves dessences différentes : de marronniers faisant face au portail dentrée, de tilleuls à gauche et de hêtres à droite. La cour de la ferme, fortement arborée est elle-même une véritable prolongation du parc.
La grange savance dans la drève de hêtres et dans le parc. Une partie importante de celui-ci est constituée danciens vergers et pâtures qui trouvent naturellement leur place dans ce lieu où la vie de la ferme est tellement proche de la vie du château.
Le jardin et les étangs méritent une attention particulière. Dun jardin à la française strictement axé sur la médiatrice de la façade du château et sur la limite ouest dun bocage boisé, il sest transformé en un jardin anglais, plus romantique, où les matériaux durs (vasques, balustrades, bancs,...) se mêlent aux sculptures végétales des ifs.
Le grand étang alimenté par un bief aujourdhui à labandon a été soigneusement positionné en contrebas des jardins pour servir de miroir à la façade sud du château.
Enfin, riche darbres remarquables (chênes, ormes, hêtres, tilleuls, marronniers,...) prolongé par un bocage de belle valeur, le parc du château de Thozée constitue un élément paysage marquant de la campagne de Pont-au-Ry. Il prolonge le village par un massif boisé de près de 500 mètres de long, vaste avancée verte dans les grandes étendues agricoles. Le site, visible de divers lieux, est particulièrement remarquable lorsquon le perçoit depuis la ferme de Bûre. Il met ainsi en valeur un paysage caractéristique de cette région de lEntre Sambre et Meuse quest la Thiérache.
Eléments classés comme ensemble architectural
La ferme se compose de huit corps de bâtiments. Ils se distinguent par leur forme, leur implantation et leur organisation interne (étable, grange, logis...) mais par le gabarit général et les matériaux (moellons, brique, pierre de taille), ils constituent autour de la cour un ensemble particulièrement harmonieux. Souvrant uniquement sur la cour, ils présentent une façade aveugle vers lextérieur, à lexception du portail dentrée et de la grange. La structure est " imperméable " et " centripède ", la cour focalisant tous les flux au détriment de lenvironnement extérieur, auquel la ferme tourne littéralement le dos.
Dans Le Patrimoine monumental de la Belgique, (Liège, 1975, volume 5, tome 1, p. 438), nous en trouvons la description suivante :" Précédé dune drève de marronniers et dune ferme du XIXe siècle à labandon, château des XIXe et XXe siècles enduit et agrémenté à larrière de jardins à langlaise. Construction néo-classique en briques et pierres bleues sur soubassement de moellons, dont le plan en U reprend sans doute une disposition ancienne comme le suggère à la face arrière de laile sud une porte datée de 1703 sur le linteau droit. Toitures dardoises. Disposée autour dune cour irrégulière, ferme en moellons de grès et de calcaire autrefois chaulée, composée détables au nord du logis et dune grange en long au sud. A gauche de lhabitation, étables transformées, qui remontent sans doute au XVIIIe siècle.. Accès à louest, par un porche en briques et pierre.
Eléments classés comme monument
Le château
Le château est formé de trois ailes disposées en U et délimitant une cour intérieure régulière pavée, fermée du côté de la ferme par une grille. Laile principale, située face à lentrée de la cour, présente une façade symétrique axée sur le perron. Son volume surplombe celui des deux ailes latérales, dont le gabarit correspond à celui des bâtiments de la ferme auxquels elles se raccordent.
Contrairement à la ferme, les corps de bâtiments présentent ici une double orientation, vers la cour dun côté et vers le jardin de lautre (à lexception de laile gauche, donc la façade arrière est aveugle, en raison de lorientation et de la pente du terrain). La structure du château est donc globalement " perméable " et " centrifuge ", le rapport avec lenvironnement prévalant sur celui avec la cour.
Le décor intérieur
Tout le décor intérieur est intéressant car, hormis quelques éléments contemporains (téléphone, télévision, radio...) qui y marquent la continuité de la vie, latmosphère générale y est toujours véritablement XIXe siècle. On sent une nette différence avec les ensembles XVIIIe ou XIXe muséalement reconstitués. A Thozée, la vie na jamais été absente et une émotion de vécu sajoute à lémotion purement esthétique que lon peut ressentir lors de la visite des lieux. Lambiance nest évidemment pas représentative du Rops parisien, mais vraiment celle quil a connu dans les premières années de son mariage et quil retrouvait lors de ses retours au pays natal.
Cinq pièces et un couloir ont été classés pour leur aspect intérieur.
1. Le salon central avec son plancher, sa cheminée, ses stucs et ses boiseries est typique du décor des salons du XVIIIe siècle tel quil sest prolongé dans le cours du XIXe siècle. Les murs sont décorés de nombreux tableaux de Rops et de son époque.
2. Le salon de musique avec sa cheminée, ses boiseries nombreuses et ses stucs est à la fois salon de musique et bibliothèque. Celle-ci est représentative des préoccupations intellectuelles et spirituelles de la famille Rops.
3. La chambre bleue avec sa cheminée dangle et son lit à baldaquin servait de chambre dami. Baudelaire y dormit lors de son séjour à Thozée et, hormis quelques ajouts contemporains, témoignages de son utilisation actuelle, le décor est toujours celui qua connu le poète.
4. La salle à manger. Plus tardive, elle pourrait paraître moins intéressante. Elle est cependant représentative du type de salle à manger de la bourgeoisie de lépoque avec ses meubles lourds, ses boiseries, ses tentures et son plafond peint par Lambrichs, un ami de Félicien Rops.
5. Le salon vert, avec ses boiseries (portes, cheminée, fenêtres et horloge encastrée) forme un ensemble harmonieux qui mérite dêtre préservé également.
Le grand couloir du rez-de-chaussée : très sobre, il donne accès aux différentes pièces précitées et ne pourrait être modifié sans nuire gravement à lharmonie intérieure de lensemble.
La tour-porche
Projet de restauration
Afin de sauver le château de Thozée du délabrement, de la ruine et de loubli, notre programme, suivant les voeux dElisabeth Rops, sappuie sur les potentialités du lieu et la richesse de sa structure.
Le château constitue le point dorgue du domaine. Ses qualités, tant formelles quhistoriques ainsi que les précieuses archives quil contient en font le lieu idéal pour un centre détudes et de recherches axé sur Félicien Rops et son époque. La disposition des lieux et leur rapport au paysage inspirent le calme et le recueillement. Ils sont particulièrement propices à la tenue de séminaires, de colloques et autres activités culturelles.
La ferme, composée déléments morphologiquement distincts organisés autour dune cour arborée, est particu-lièrement adaptée pour accueillir des artistes, chercheurs ou écrivains dont lactivité nécessite un lieu de travail et un cadre propice à la création. La durée de leur séjour dépendrait du nombre de candidats, de leurs objectifs artistiques et des bourses quils auraient reçues pour couvrir les frais de leur " résidence ".
Au delà de son intérêt historique et artistique, cest le charme et la tranquillité de cette gentilhommière, dans un environnement resté intact, qui en feraient un superbe et insolite lieu de travail. Un tel programme offre, par sa souplesse, la possibilité dadapter le rythme de sa mise en uvre à celui de la restauration des différents bâtiments.